Il y a beaucoup de cauchemars que je ne crains plus, je me suis familiarisé avec ceux-ci, ils me permettent de créer. Une professeure m’a dit une fois une phrase que j’ai trouvé belle : « Je me suis réconciliée avec mes insomnies », je ne sais pas si c’est encore le cas pour moi vis à vis de mes troubles mais je pourrais plutôt parler d’un partenariat avec ceux-ci, nous travaillons ensembles pour dessiner et surtout écrire. Je suis très sensible à la notion de Beauté dans la Laideur dans la littérature en particulier. Par ce terme, j’entends la fascination que l’on perçoit dans des descriptions ou représentations d’éléments qui devraient être effrayants ou répulsifs. Pourquoi lors de l’exposition d’Anish Kapoor au Couvent de la Tourette face à la pièce Disrobe réalisée en 2013 j’ai été fasciné par cet amas de silicone teinté de pigments rouges qui fait clairement penser à des morceaux de chairs entassés les uns sur les autres? Je ne pense même pas pouvoir répondre à ces questions mais une phrase écrite par Diderot m’a éclairée quant à cette sensation étrange : « Apprenez si vous pouvez, le secret de sauver par le talent le dégout de certaines natures ». Il y a peut-être aussi dans l’effrayant -toute proportion gardée- quelque chose de fascinant, le coté paradoxal du répulsif-attractif. Lorsque je lis le Spleen IV écrit par Baudelaire je suis fascinée par la manière dont le poète arrive à sublimer ce qui est le paroxysme d’un état dépressif. La lecture à ce pouvoir de nous faire créer des images mentales fortes, la relation à la lecture est selon moi très intime ou personnelle.  SUITE