Les fils emmêlés
La tête pelote au début.
Tout n’était que désordre et pensées emmêlées dans les tiroirs de ma tête.
Et dans le rythme infernal de ma vie, tout s’emballe. Il y a encore plus de nœuds dans la course.
Elle est tombée la vilaine, elle s’est échappée du tiroir. Je la rattrape et c’est tout doux, c’est tout mou. Je m’arrêterais bien là, à effilocher la laine encore des heures. Qu’est-ce que je cherchais déjà ?
Mes réflexions sur le doute. Elles doivent être dans cette bobine-là. C’est la plus emmêlée de toutes, pourquoi choisir cette pelote en particulier. Elle soutient. Elle est à la base de toutes les autres. Qu’il est difficile de le saisir, le doute !
Je l’arrache à ces élucubrations, je l’aurais. Sur la pointe des pieds je vacille. Si je penche un peu plus c’est le vide et tout s’effondrera. Toutes les pensées perdues, que l’on ne retrouvera jamais plus. Car elles deviennent inaccessibles dans le fouillis des tiroirs, toutes les idées mises de côté. Les petites peurs qui prennent beaucoup de place. Les souvenirs désobligeants. Ils vont s’étaler là, face visible sur le sol, si je ne l’attrape pas. Ils se mélangeront, s’agglutineront, s’écrabouilleront, dans un tumulte compact et indéchiffrable.
Un tas compact, capharnaüm des mots et des décisions.
Je ne veux plus tout démêler, c’est trop dur, c’est trop long. Je sens le poids de mon corps tendu. Je l’aurais, je l’ai dit je l’aurais. L’extrémité des doigts tremble, comme souvent.
Je serre les lèvres.
Je l’ai eu. Ma pelote. Je la serre, la déroule et les mots pleuvent, évidence de la délivrance.
Je l’ai en main mon doute.
Tâtonner
Tâ-tonner
Tâton-nez
À tâton
Sans les mains ou avec les pieds,
À peton
Sur le bout de la langue et les extrémités
Sur les talons
En crispant les mains comme balancier
Sur le bidon
Tourne le bassin d’un air détaché
Sur le menton
En fausse danseuse inspirée
À tâton
Dans les gestes et les mots égarés
Je cherche l’inspiration
Carte
Les cartes,
Je les aime, celles qui donnent des directions, celles qui perdent, celles qui indiquent la passerelle des champs de l’imaginaire.
J’aime le monde, la terre, j’aime me sentir vivante, et avoir cette impression de faire partie d’un tout, d’être à un endroit sur terre.
C’est si grand au-delà de ce pays, il y a tous les champs du possible et de mon utopie.
J’y vois des couleurs rêvées, j’aimerais m’y transporter.
Tout voir et tout avaler
Au-dessus du sémaphore
Sans boussole
J’ai toujours rêvé
De me créer mes propres repères
D’inventer des édifices
De bâtir mes images
Perte de repères
Je pense, je traîne, je rêve allongée sur le ventre après une nuit agitée de rêves étranges. La fenêtre laisse apercevoir le toit d’en face. Il fera beau aujourd’hui. Je ne veux pas me lever. Je suis si bien dans ma brume matinale. Mon esprit s’agite, se rappelle toutes les tâches encombrantes. Toutes les idées non accomplies.
Quelques phrases viennent perturber l’ordre de ma tête ensommeillée encore tranquille.
Puis tout devient plus flou, la terre penche, penche. Elle bascule. Je crois que je peux atteindre la lune.
Je touche l’équinoxe.
Les cartes mentent, c’est certain. Ou alors mes pieds se sont entraînés vers le mauvais chemin. Je ne l’aurais jamais imaginé si glissant, si pentu.
Mes yeux voient trouble, elle tourne si vite la Terre !
Plus rien n'a de sens. Il n’y a plus de haut plus de bas. Seulement ce que mes yeux voient.
Je distingue mal mon environnement. Pourtant, tout est plongé dans une lumière apaisante. C’est un instant en suspens. Mon corps et le monde flottent dans un décor brumeux. Mes bras semblent danser et mes jambes ne tremblent plus. Ici, il y a toute la force du monde, et toutes les idées de l’univers.
Elle est agréable, ma bulle entre deux atmosphères. Déjà le monde se remet à l’endroit, les nuages à s’assombrir et mon corps retombe, engourdit.
Vite vite, je note tout, sur des bouts de carnets, les idées et les mots. Il est encore tôt.
Écrire
Pourquoi écrire ?
Parce que les mots m’ont pris en otage un jour où j’ai ouvert un livre, j’ai essayé de les ôter de ma gorge et de ma tête. Je crois que c’est peine perdue pour la tête. J’aime les toucher, les saisir. Ils sont palpables, adorables ou répugnants. Ils perforent mon cerveau, certains s’échappent, les autres je les rattrape. Des évidences.
J’en ai perdu des milliers pour toujours, alors vite je cours.
Quand j’écris, je ne suis plus Nina, je suis ces mots galaxies. Ils m’apaisent. C’est une force que je ne comprends pas, que je ne veux pas éclaircir.
J’écris seulement pour essayer de distinguer mieux les mots entêtants, ceux qui trottent trop, dans les montagnes de mes échos.
Je dérive sur une rivière agréable.
J’écris les comptines inconnues des mots chantants. Ils me bercent.
Les mots
Les mots pas nets
Les mots pense-bête
Les phrases escarmouches
Viens que je te touche
Les mots larmoyants
Ceux qui dégoulinent
Les mots muets
Ceux aveugles
Quand ceux trop lumineux ont pris la lanterne des majuscules
Les petits mots
Les adorables
Les attentifs
Les attendus
Les oubliés qui ne viendront jamais
Les mots secrets
Ceux que l’on préfère taire
Les mots coincés
Dans la gorge trop serrée
Les mots confus
Les mots qui éternuent
Sur moi
Les mots tout nus
Les mots perdus
Les mots suaves
Ils caressent
Les mots tout chauds
Ceux qui nous tiennent dans leur bras
Qui effleurent les lèvres
Les mots d’amour
Les mots criés
Ceux susurrés
Les mots éclaboussures
Ceux qui pendent aux commissures
Les mots couleurs
Les mots lents
Les mots pansements
Les apeurés
Les mots tout simples
Ceux qui rassurent
Les mots gauches
Les mots malades
Les mauvais maux
Ceux douloureux
Les mots pointus
Les mots joyeux
Ceux qui trébuchent
Les mots vivants
Ceux que l’on poursuit
Toute une vie
Les mots qui valsent
Ceux qui embrassent
Les mots flottants
Les mots vieillis
Les mots chéris
Ceux qui s’enfuient
Ceux qui m’électrisent
Les mots sourire
Les premiers mots
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