Nous avons été impressionnées par le familistère de Guise. Nous avons aimé l’appel de Vladimir Maïakovski. Nous avons envié les voisins de James Gralton. Nous avons compris le mot d’ordre d’André Breton et la façon dont Paul Éluard conçoit le rôle du poète. Nous avons admiré la résistance des surréalistes et le parachutage de Liberté. Nous avons réfléchi à la question que posaient Gabriel Pomerand et Isidore Isou. Nous avons souhaité avoir la même exigence que le Festival d’Avignon. Nous avons adhéré à l'idée du Théâtre National Populaire selon laquelle l'Art doit être un service public. Nous croyons à la vision qu'avait Albert Camus de son métier. Nous voudrions « changer le monde » comme Guy Debord. Nous avons été emballées par le féminisme de Niki de Saint Phalle. Nous avons été émues par les films de Chris Marker, qui considèrent que le quotidien peut devenir œuvre d'art. Nous avons rêvé à une vie nouvelle grâce à Ariane Mnouchkine. Nous nous sommes intéressées aux théories utopiques de Michel Foucault et la révolution artistico-culinaire de Daniel Spoerri nous a fait sourire. Nous avons été inspirées par l’injonction de Joseph Beuys et par l’idéalisme délirant et sérieux de l’an 01. Le doux mélange de l'Art sociologique et l’audace, la pertinence et l’impertinence de Coluche nous ont motivées. Nous avons été passionnées par la voix sage de Gilles Deleuze. Le civisme de Yann Toma, la foi de Thomas Hirschhorn, le bon sens de Thomas Lacoste nous ont enthousiasmées. Nous avons lu et relu Stéphane Hessel. Nous avons été galvanisées par le succès de Jón Gnarr. Nous avons voté pour Pater et pour les décisions collégiales de Pendiente de voto. Nous avons respecté l’engagement de Vincent Perrottet. Nous avons consciemment écouté le Discours à la Nation.
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Toutes ces personnes et ces œuvres ont été pour nous des sources inestimables d'espoir et d'inspiration. Elles nous ont aidées à chercher courage et motivation pour réaliser modestement nos petites utopies. Heureusement, cette liste n'est pas exhaustive et chaque ajout est une piste pour un nouveau projet. Nous souhaitons qu'elle soit pour vous aussi exaltante qu'elle ne le fût pour nous.
Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ?

1919-1920

Vladimir MAÏAKOVSKI

Vladimir Maïakovski compose sans nom d’auteur 150 000 000 : un poème de 1700 vers, car 150 millions de Russes s’y expriment. Il appelle à une Quatrième Internationale, celle de l’esprit. Les ennemis de la Révolution sont la bureaucratie, le romantisme petit-bourgeois, le médiocre train-train journalier.
La littérature ne doit pas refléter le monde mais le transformer. Maïakovski composera des scénari, des pièces, des affiches, des slogans publicitaires et de nombreux poèmes au service de ce rêve. Avant de se suicider à 36 ans. Dans son mot d’adieu figurent les vers suivants :

« le canot de l’amour
s’est brisé à la vie quotidienne ».

Cela n’empêchera pas Staline d’ordonner des funérailles nationales.
Texte de Louis Chevaillier dans « Le 1, n°34 »