Bien que j’aie un peu arrêté de produire ce genre d’images, je sais que la mort et la dimension surnaturelle qui lui est associée sont des thèmes fréquents dans ce que je produis. L’utilisation du noir d’ailleurs dans mes productions revient aussi à ce thème. Tout d’abord, je représente souvent la mort par le biais de squelettes et de crânes, ou sous la forme de personnages sombres, décharnés, mystiques. Premièrement, parce que j’ai une fascination pour l’anatomie humaine et animale, que ce soit à travers les os ou les crânes ou même les organes qui regorgent d’éléments graphiques magnifiques. J’adore d’ailleurs, de retour sur paris, aller dessiner à la galerie de paléontologie ou au muséum d’histoire naturelle, avec une préférence pour les squelettes difformes et les écorchés. Par conséquent, j’admire notamment le travail de Joel Peter Witkin, la manière dont il compose ses scènes et positionne ces modèles pour les faire ressembler à des cadavres. Son travail est une réflexion sur la représentation du corps, s’étendant aux aspects esthétiques de la chair, dans la vie, dans la mort. Ainsi, dans l’esthétisation de la mort et sa représentation dans mes productions (sous forme de crâne principalement) revient mon obsession pour les motifs en général mais aussi pour l’harmonie des formes. De plus, ces éléments anatomiques sont souvent liés à mon travail sur le vivant, puisque j’aime le plus souvent les accompagner d’éléments organiques et travailler ma composition pour faire de ces travaux des sortes d’enluminures où le vivant se mêle à la mort. Je lie cela au fait que mourir peut aussi signifier d’un retour à la terre et surtout à la nature en général. De plus en plus d’ailleurs on propose des solutions d’enterrement de défunts biodégradables, certains permettent même, grâce à la décomposition du cadavre, de faire pousser un arbre. Ainsi, puisque la nature suit un perpétuel cycle, la mort d’espèces animales et végétales est bénéfique pour les espèces encore vivantes. Le travail du photographe japonais d’Izima Kaoru traite justement d’une esthétisation de la mort et d’un retour à la nature. Il est connu pour son travail de mise en scènes de jeunes femmes mortes, laissées pour compte dans des environnements naturels hostiles, notamment avec sa série Landscapes with a corpse qu’il poursuivit de 1997 à 2008. Il travaille avec des présentatrices de télévisions, des mannequins ou des actrices et les amène à imaginer le moment de leur mort. Celles-ci doivent donc s’habiller avec leurs vêtements de haute couture les plus beaux et les plus luxueux, comme si cela était la dernière trace qu’il resterait d’elle. Ces photographies esthétisent la mort, lui enlèvent de sa terreur et se focalisent sur des questions aussi bien existentielles que sensorielles. À travers la multiplication des détails, Kaoru invite le spectateur à plonger dans la narration. Il dévoile également son voyeurisme tout en célébrant la beauté qui semble culminer dans l’instant même de la disparition de ces jeunes femmes. L’une des figures de cette représentation d’un monde mortel, c’est bien sur le peintre Beksinksi que j’évoque très souvent. Bien après des artistes comme Bacon ou Munch, il a prouvé avec ces peintures, que les écorchés et les créatures osseuses pouvaient être esthétiques et propices aux fantastiques. Je suis également fortement influencée par un poète comme Baudelaire, qui voit la mort comme un état d’une certaine beauté, symbole du repos éternel, d’une continuité de la vie. Beaucoup de croyances de peuples ethniques prônent un retour du défunt à son environnement naturel. Je porte d’ailleurs un intérêt sur la manière dont certains peuple perçoivent la vie dans l’au-delà. J’aime alors énormément faire des recherches sur les rituels post mortem de différentes tribus ethniques, sur la manière dont ils traitent leurs morts et les croyances qui expliquent ces traitements. Par exemple, dans les régions montagneuses du Tibet, les cadavres ne se décomposant pas à vitesse normale, la population invitent les vautours à déchirer et dévorer la chair des défunts lors de cérémonie religieuse, pour aider le mort à atteindre plus rapidement l’au-delà. Dans la culture Tibétaine, l’enveloppe corporelle une fois la personne décédée n’a plus la moindre importance. En Inde aussi, on baigne les âmes dans le Gange, fleuve hautement sacré pour leur permettre d’accéder au paradis sans subir le cycle de la réincarnation.

En conclusion, j’aime représenter la mort dans mes dessins le plus souvent sous forme organique, en insistant sur des détails anatomiques et en les mêlant à de la végétation et du vivant en général. Ces dessins peuvent être alors accompagnés de signes ésotériques qui évoquent des rituels post mortem de certaines ethnies.