Bien que je n’évoque pas souvent cet aspect dans mes créations, j’ai toujours été passionnée par le monde de la mode, et notamment par ces designers qui innovent, provoquent et détruisent les dictâtes de notre société. En effet la mode pour moi a toujours représenté un milieu underground où l’être humain expérimente en dehors des codes. Comme je l’ai déjà évoqué, je suis très portée sur des combats comme le féminisme, le racisme, la xénophobie mais le sujet qui tient le plus de place pour moi est la lutte contre l’homophobie. Ce que j’ai très rapidement apprécié dans la mode, c’est cette évolution des genres, ce regard sur la communauté LGBT très tôt novateur, presque provocateur. La mode se sert de la société pour créer, mais la critique aussi beaucoup. Par exemple, dans son défilé printemps-été de 2010, le designer Rick Owens a fait porter à ses mannequins hommes des pantalons coupés au niveau des cuisses, de telle sorte à ce qu’on puisse apercevoir le sexe de ces derniers. Bien que cela ait été un véritable scandale et fut moqué dans les médias, son argument étai, selon moi, tout à fait recevable : « Pourquoi s’offusquer de voir les pénis des hommes, si partout, dans les films, les séries, les pubs, montrer un sexe de femme ne pose pas de problème particulier ? ». Inspirée par cette mode évoluée ; dans mes photographies, j’aime ainsi faire de la photo de nu pour briser ce tabou qui est le sexe, aussi bien biologiquement que l’acte charnel en lui-même. Pourquoi cacher la poitrine des femmes mais glorifier à outrance celle, musclée des hommes ? La mode a toujours su jouer avec le sexe, la nudité, l’absurdité. Thierry Mugler est l’un des premiers designers à avoir créé une ligne de vêtements où les mannequins deviennent à la fois aliens, étranges créatures aux multiples fantasmes, obsédées par les costumes imitation peau humaine. La mode a souvent été en avance sur son temps, elle a brisé les codes. Très tôt, avec notamment John Galliano, elle a commencé à exploiter l’idée de bioluminescence et des matières innovantes comment le latex ou le tissu miroir. Ce qui m’inspire beaucoup c’est aussi, comme chez certain designer, son caractère sculptural. L’idée qu’une robe, même de prêt à portée, peut devenir une œuvre d’art me fascine. Elle s’inspire de tout, que ce soit à la fois des mouvements artistiques en peinture comme avec la collaboration entre Louis Vuitton et Yayoi Kusama, ou de la photographie avec le défilé d’Alexander Mcqueen Platos Atlantis. Un designer peut aujourd’hui aisément avoir sa place parmi les figures de l’art contemporain. Ce sont des créateurs en perpétuelle création qui utilisent tous les matériaux que le monde met à leur disposition. En plus de dénoncer les dictâtes des genres, la mode s’intéresse à notre environnement, elle parle en son nom, représente sa beauté et dénonce la pollution et les dégâts que celui-ci subit depuis de nombreuses années.Hussein Chalayan dans son défilé de 2009 After Words créa ainsi une ligne de vêtements à la fois portables et non portables, utilisant des matériaux naturels comme le bois. Ces créations avaient double fonction, puisqu’elles pouvaient être portées mais aussi utilisées comme meubles. (Exemple avec sa création la plus connue la table robe où un mannequin, qui manque d’un coin pour manger, peut alors retirer sa robe en bois circulaire et amovible et la replier pour créer un support). Enfin Ridley Scott, dans son show technologique de 2011 Prometheus décida de dévoiler complètement le corps de ces mannequins utilisant un phénomène des plus naturel : le souffle du vent. En effet, grâce à un énorme ventilateur situé au fond de la salle, les tissus se soulevaient petit à petit jusqu’à ne plus recouvrir que les parties intimes. Grâce à la technologie, que la mode a très tôt utilisée, les créateurs peuvent transformer et modeler le corps humain à leur guise, jouant avec les proportions, l’anatomie. Lucy McRae, architecte du corps, utilisent l’électronique pour modifier la peau humaine. Elle créa notamment des tatouages électroniques, qui, avec la lumière ultra-violette, se mouvaient et s’élargissaient sur les mannequins. Ainsi la mode a toujours été une énorme source d’inspiration pour moi, par son énorme côté novateur, esthétique et avant-gardiste. Je pense que si je produis ce que je produis c’est avant tout grâce à la mode et son influence sur moi. Alors, comment la mode se ressent-elle dans mon travail ? En réalité je pense que même si cette source d’inspiration ne se ressent pas dans mes productions aux premiers abords, elle a été le précurseur de mon travail d’aujourd’hui. En effet, ma formation de MANAA à l’école Duperré, qui m’a amenée à découvrir cet univers, a beaucoup aidé au développement de mon univers. C’est grâce à elle et notamment au travail d’Alexander Mcqueen (encore et toujours lui), que je me suis mise à m’intéresser aux motifs organiques, au travail de la texture, au mélange entre animal et humanité. De plus, mon travail de découpe papier et ma passion pour ce médium se sont enclenché au cours de cette même année où nous avons dû découper des patterns dans une chemise blanche à l’aide de petits ciseaux. Enfin, comme nous possédions un studio de photographies pour nos productions, c’est ici que j’ai pu y expérimenter mes premières photos de nus. J’y ai découvert mes influences comme le couple Mert et Marcus ou Mario Serrenti.

 

En conclusion, sans ma formation en mode à Duperré, mes productions seraient probablement tout autres à l’heure actuelle.