Mes textes écris de manière automatique sont principalement poétiques. Au même titre que mes dessins organiques, je ressens alors un sentiment de bien-être et je mets alors tout mon corps à l’œuvre. Ces textes permettent de me libérer et sont alors très personnels. Cependant, une autre part de mon travail d’écriture rentre en contradiction et est totalement différent de cet exercice de lâcher prise qu’est l’écriture automatique. Il est en effet d’avantage lié à mon approche scientifique du dessin. Dans cet autre état d’esprit, j’aime me baser sur des faits réels, drastiquement réels et produire des textes d’avantage proches de l’article ou du témoignage fictif. Ainsi, en aval, ces travaux d‘écriture s’accompagnent d’un long et fastidieux processus, où je compare et trie les différentes informations accumulées autour du fait choisi. Il me faut alors du temps pour me mettre à écrire sur le sujet, je lis, je glane des informations sur différents sites et livres. J’ai le sentiment que même si finalement, le texte écrit reste fictionnel, il doit partir de faits réels et il est important d’en maîtriser tous les détails, de trier les sources pour se rapprocher au plus près de la réalité (quand il s’agit d’un fait historique par exemple). J’ai l’impression qu’écrire sur des faits me permet de favoriser le côté immersif que je souhaite donner à mon travail. Cela peut permettre en plus de pousser à la curiosité en amenant le lecteur, à lui-même faire ce travail de recherche s’il le souhaite. D’ailleurs, tout mon travail de corpus de l’année passée est basé sur des événements documentés avec soin. J’ai choisi par exemple de parler du projet américain MK ultra ou de la maladie de peau qu’est la porphyrie. Ce qui m’a beaucoup plu dans ce glanage d’informations, ce sont les connaissances que j’ai pu moi-même accumulé et que j’ai eu le plaisir de transmettre en écrivant. Quand j’écris sur un sujet, j’aime montrer la réalité telle qu’elle est, j’aime m’en inspirer sans trop m’en éloigner. J’ai une approche quasi scientifique de la chose puisque j’ai extrêmement du mal à me permettre de faire un écart par rapport à la réalité des propos. Je souhaite que chaque date, chaque lieu, chaque action soient crédibles et ainsi véridiques. Les sujets qui m’intéressent le plus souvent sont soit policiers, sociales (j’aime étudier les coutumes d’ethnies méconnues), ou psychologiques (comprendre ce qui influencent nos comportements). Les phénomènes inexpliqués m’attirent encore d’avantage, puisqu’il poussent ma curiosité à son paroxysme. Pour choisir le sujet, souvent je pars de quelque chose qui me questionne, comme la folie à deux. J’essaie alors de comprendre comment ce phénomène psychologique se crée, qu’est ce qui le déclenche, quelles sont les connexions provoquées alors dans notre cerveau. Ainsi j’endosse presque un rôle de chercheuse ou de documentariste et parfois même, selon les thèmes, d’anthropologue. Ainsi, le travail du photographe Charles Fréger avec sa série Wildermann, qui a documenté en image les cérémonies païennes d’Europe, m’intéresse beaucoup. Dans son ouvrage Homage for Humanity Jimmy Nelson, réalise d’ailleurs le même travail en étudiant les populations indigènes du monde vouées à disparaître avec l’explosion de la démographie et la modernisation de beaucoup d’entre elles. Le travail d’Andrea Eichenberger, photographe, vidéaste et écrivaine, est également un bon exemple de travail  qui mêle l’anthropologie et l’art. Cette artiste vit en France depuis plusieurs années et son œuvre, nourrie de rencontres, se développe au croisement de l'art et de l'anthropologie. Brésilienne d’origine, elle étudie tout d’abord l'art à l'université de l'Etat de Santa Catarina puis elle se lance, en France, dans des études d'anthropologie qui lui permettent, selon elle, de percevoir le monde « d'une manière plus critique ». C'est à partir de son regard d'expatriée, qu'est né en 2011 le projet In (Sécurité) construit au fur et à mesure de ses allers-retours entre la France et sa ville d'origine, Florianopolis. Elle dénonce ici l’image clichée de violence que véhicule le Brésil et les transformations urbaines liées à ces préjugés dans ce même pays. Elle déclare : « À chaque fois, j'étais surprise de constater combien la question de l'insécurité véhiculée au Brésil par les médias et le discours ambiant se traduisait dans l'espace urbain : les habitants voulaient protéger toujours davantage leurs maisons. ». Elle a en effet constaté au cours de ses voyages que dans sa ville natale, les barrières électriques étaient de plus en en plus hautes et des barbelés placés tout autour des maisons ont commencé à apparaître, alors que la violence dans les quartiers n’augmentait pas forcément. Tout comme ces artistes, j’aime pointer du doigt certains faits peu connus, en parler dans mon travail d’écriture. J’aime à penser que l’artiste doit aussi offrir une vision du monde en dehors de ce que nous pouvons connaître, aider à ouvrir l’esprit. En effet, de nombreuses choses sont encore à découvrir et à documenter sur notre planète et les évoquer permettent de mettre le doigt dessus, de les faire exister.

L’artiste anthropologue est peut-être plus engagé, a moins de recul que l’anthropologue lui-même. De plus l’artiste peut parler d’un fait mais utiliser une multitude de médiums pour l’exprimer : écriture, photographie, peinture etc. Ce qui fait que le travail fini a une dimension personnelle. Les frontières entre traitement strict du réel et construction de l’imaginaire deviennent alors floues. L’artiste chercheur peut se prendre au jeu du brouillage de codes, entre art et analyse. L’artiste anthropologue n’a alors peut-être pas une approche strictement anthropologue. Anthony Hernandez, par exemple, photographe, dans Paysages pour les sans-abri, a photographié les « abris » de fortune des SDF de Los Angeles, en choisissant, de ne jamais montrer les sans-abri eux-mêmes, mais seulement les traces qu’ils ont laissées de leur passage. À l’inverse, Andres Serrano dans sa série intitulée Nomades a quant à lui photographié des SDF dans un studio improvisé au sein du métro new-yorkais, n abusant d’effets de clair-obscur très caravagesques, ce qui accentuait un effet de voyeurisme.