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 J’ai besoin d’un certain contrôle sur mon travail pour me sentir à l’aise. Une assurance, un rapport musclé avec la création. Je suis encore loin de l’avoir atteint et c’est une grande source de frustration. Ce contrôle doit à mon avis passer dans un premier temps par une habileté technique durant le processus de création. Dans le dessin par exemple, cette habileté technique se traduirait par une connaissance des fondamentaux tels que l’anatomie, la perspective, la lumière, le volume, etc. Une base solide car calquer sur l’observation de notre environnement, omniprésent à l’œil. Cette démarche est contraignante et académique, mais à mon sens nécessaire. D’un côté, je crois en la puissance de l’art naïf (j’entends par là un art hors des cadres académique). La représentation des corps féminin chez Dubuffet, exempt de tout respect anatomique m’a toujours fasciné par sa brutalité et paradoxalement par sa justesse. Mais je pense également que bien souvent, l’art naïf est un piège, un piège de facilité dans lequel un jeune artiste inexpérimenté peut aisément s’engouffrer afin de flatter son ego sans trop d’effort. Et je crois que l’on obtient rien sans effort : si le musicien doit faire ses gammes, alors le dessinateur a besoin des bases. Je veux atteindre un certain niveau d’académisme dans un premier temps, mais la réelle ambition qui m’anime, c’est de le dépasser. Certaines cases de bandes-dessinée de Blutch sont absolument bluffantes de justesse. La proportion, la lumière des corps, la perspective des objets, tout est criant de vérité grâce à un respect de la réalité perçu par l’œil. Mais le plus fascinant, c’est le contraste brutal entre ceci et d’autres éléments bien plus expressifs, libérés des contraintes jusqu’à parfois basculer dans une quasi-abstraction. Un accouplement parfait entre respect des normes et exploration de l’inconnu. Après certaines recherche, j’ai le sentiment que dessiner académiquement pourrai se rapprocher dans un sens de la démarche d’un artisan. Celui-ci a horreur du hasard, il recherche l’exécution parfaite du geste grâce à la connaissance de la technique. C’est pourquoi il agit selon des plans et des objectifs préétablis par d’autres. Son travail, même s’il peut s’en écarter, est guider par un respect de la tradition. Un respect des règles qu’imposent certains objets, certains matériaux, etc. Un respect des règles qui le contraint donc dans sa création, mais qui le guide et l’assure dans l’exécution de son travail. C’est un technicien, il sait précisément ce qu’il recherche. Le bon artisan n’a pas de surprise entre l’imagination originelle de l’objet et la finalisation de celui-ci. Ce respect de nos pères et cette virtuosité technique, j’ai bien du mal à la retrouver chez les artistes contemporains. Pour une multitude de raisons dont je n’aurai ni le temps, ni les capacités de l’expliquer, ces caractéristiques se sont effritées. L’un de mes défis serait, à l’image de Blutch ainsi que tant d’autres, de ne pas tourner le dos à l’immense héritage technique de nos pères et de réussir à le concilier avec la libération artistique apportée par des gens tels que Picasso ou Duchamp. Contrôle