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 La recette d’un art accessible est composée de différents ingrédients. On peut en relever deux majeurs : un prix abordable et une oeuvre intellectuellement sensible au plus grand nombre. En partant du principe que l’on est maître de fixer un prix à son ouvre et que nous sommes tous capables de réagir à des formes, des couleurs, des lumières, des ambiances, d’en ressentir des sensations, alors le fait de créer un art accessible est tout à fait accessible à un artiste. Créer une œuvre abordable (financièrement) passe par plusieurs choix durant le processus de production. Il y a évidemment le choix des matériaux. On distingue les matériaux pauvres des matériaux riches. Ainsi, une sculpture en marbre sera généralement moins onéreuse qu’un objet fait de tissu, de papier ou de carton. Néanmoins, et ce, en grande partie grâce ou à cause de l’avènement de l’art contemporain et complètement à remettre en cause. Il serait bien trop long ici de rentrer dans une analyse détaillée, mais il reste intéressant de remarquer que si le choix du matériau garde une importance dans la fixation du prix du œuvre, il faut aujourd’hui prendre en compte l’importance majeure de la décision de l’artiste et évidemment de celle du marché. Rien n’empêche plus un artiste telle que Jeff Koons de vendre aujourd’hui des ballons à des milliers voir des millions de dollars. Je ne suis pas là pour dire si cela est bon ou mauvais, j’enfonce juste une porte ouverte en remarquant que si ses œuvre par leur aspect peuvent être intellectuellement accessibles, elles sont loin de l’être financièrement. Ces en partie pour la pauvreté de ces matériaux que j’ai décidé de m’orienter dans le dessin. Un art longtemps considéré comme moins noble que la peinture, probablement, car se procurer une feuille et un crayon est bien plus évident qu’une toile et de la peinture à l’huile. Et c’est ce qui me plaît. Grâce à l’imprimante, le dessin peut perdre son statut d’œuvre unique que revête souvent des Beaux-Arts telles que la sculpture ou la peinture. Un dessin, on peut le tirer en un nombre infini d’exemplaire, on peut en faire des livres, ou même mieux, des fanzines ! Cette reproductibilité permet de désacraliser le dessin, de baisser son coût et de le propager telles un virus à droite, à gauche. J’ai un respect fou pour ses livres à bas prix qui ont su se faire adopter par une paire de main de chaque continent. Mais le papier, même pauvre, reste encore un matériaux onéreux pour l’artiste et le public. Quid d’internet ? À l’heure de la révolution numérique, il me semble qu’il n’a jamais été plus facile de diffuser une oeuvre à bas prix. Des plateformes telles que YouTube, SoundCloud, Instagram permettent chaque jour une consommation effrénée de l’art et aux artistes d’émerger. Le numérique réinvente l’art. Je suis passionné par le concept de la « bande défilé » propre à Marietta Rien qu’elle a su illustrer dans son oeuvre « Phallaina ». Une bande dessinée sans case, une sorte d’immense fresque à scroller gratuitement sur Smartphone ou tablette. C’est une image de l’avenir du livre. Internet est présent partout et à tout moment. C’est de ce principe qu’est parti la ville de Bristol pour créer « Hello camp post! ». Il s’agit là de millier de codes à flasher sur certains objets comme des lampadaires ou boîtes aux lettres et permettant d’interagir, de dialoguer avec eux. J’essaye de sortir du simple format papier petit à petit, avec mes faibles connaissances. C’est pourquoi j’ai réalisé une version numérique et sonore de ma bande dessiné Felio et que je travaille aujourd’hui sur ma propre « bande défilé ». Le choix du matériau et du médium est donc très important. Néanmoins, j’ai peur que chercher systématiquement à toucher le plus grand nombre puisse être un piège dangereux. Travailler dans le but que l’œuvre final soit à un coût minimal ne me pose pas de souci pour le moment. Néanmoins, je pense que je suis encore complètement coupé des réalités économiques de l’art et que je déchanterai probablement après les études. Cependant, c’est l’idée de rendre l’art « intelligible au plus grand nombre » qui m’ennuie. C’est risquer de tomber dans une sorte de populisme, voir de démagogie artistique. Biaiser le sens originel de l’œuvre et la volonté de l'artiste au service d'une consommation optimale. Cela risque en tout cas de simplifier la création et donc de créer un nivellement de l’art vers le bas. De plus, chercher à biaiser son travail en prévision de telle ou telle réaction du spectateur, c’est en soit un début d’auto-censure que s’inflige l’artiste. L’idée de « rendre intelligible » me pose un énorme souci d’éthique. C’est, je crois avoir une vision peut flatteuse et exigeante du « grand public »… Ainsi, l’amour et l’envie de partage bienveillante d’un artiste peuvent parfois dissimuler une sorte de condescendance voilée à l’égard d’un « peuple » qui devrait au mieux être éduqué, au pire être brossé dans le sens du poil. Brosser dans le sens du poil, probablement ce qui m’effraie le plus. Si l’on considère que l’art n’est pas qu’agréable, qu’il lui incombe tout autant les taches de surprendre, effrayer, exaspérer, fatiguer, alors on risque fort de déprimer ce formidable camaïeux. Dialoguer avec une forme d’art molle, complaisante, qui fait du bien, toujours le même bien. Accessibilité