Contempler les étoiles, acte vieux comme l’Homme, lourd de signification…
C’est relier l’infiniment petit être que nous sommes à l’infiniment grand univers dont nous ne percevons qu’une infime parcelle. C’est accepter notre faiblesse, s’abandonner à la force de l’univers…
C’est faire profession d’humilité devant cet inconnu qui nous dépasse, ce Dieu fait d’une éternité d’atomes. Observer des mondes anciens à jamais disparus, mais dont il reste pourtant une trace lumineuse. C’est se questionner sur notre place dans cet espace, prendre conscience de notre solitude inexorable face à ce regard sans réponse, sans écoute peut-être, prendre conscience de notre incompréhension de quelque chose d’aussi trivial que nous-mêmes, de l’absurdité de la vie. Réaliser que nous ne somme que détail parmi les détails, que nos actes n’ont aucun impact dans l’univers. Que nous ne pouvons pas faire grand chose d’autre que quelques enchainements de yoga, quelques notes dans un journal, jusqu’au moment de notre mort. Cette réflexion devrait nous plonger dans une angoisse sans fond, et pourtant il n’y a pas de meilleur remède à la mélancolie que cette immersion dans la Nature, car cette absurdité, ce ridicule de nos petits corps, de nos petits cerveaux défectueux bourrés de petites croyances face à la beauté complète de la Nature, de la Déesse-Mère, ne peut que provoquer un grand éclat de rire, seule résistance possible à la tristesse, au manque et à la peur. Ainsi, pour les romantiques que nous sommes (que je suis, je parle en mon nom), l’immersion dans l’extérieur (ou l’extraversion) est une forme d’éducation comme de soin, une introspection un peu narcissique peut-être, pour soi. La thérapie face à cette douleur du grand vide existentialiste est une catharsis, une sublimation de nos émotions. On peut s’abandonner à l’exaltation, au lyrisme et à la sensualité, se laisser transcender par le sacré, le mystique, tels des sorcières ou des chamanes païens, communier avec le cosmos dans un instinct quasi sexuel. On peut aussi rechercher un équilibre, une douceur, dans des rituels quotidiens et poétiques, dans une célébration de ce que l’ici et maintenant a de précieux. On peut encore tenter de s’échapper pendant un certain temps, grâce à un voyage intérieur ou extérieur, grâce au psychédélique, grâce au regard d’autrui, grâce au rêve.
Dans la quête de la liberté ou de la vérité, on peut choisir un retour à l’enfance, le réveil de la part animale de nous-mêmes, notre part authentique, généreuse, mais aussi pulsionnelle, obsessionnelle, excessive. On peut choisir une maturation intellectuelle, une évolution de ce qu’on appelle « savoir », en prenant garde toutefois aux désillusions du Surmoi moralisateur, culpabilisant, et obsédé par le contrôle. On peut essayer d’équilibrer les deux, de les aligner sur notre âme. Si on a plus tendance à la passivité, on peut suivre l’exemple du classicisme, du stoïcisme ou encore du bouddhisme. Leur sagesse a quelque chose de reposant, une estime de soi à travers la non-attente de l’avenir, le pessimisme contre la déception. Cependant les idées du romantisme et du classicisme ne devraient pas être radicalement opposées mais se nourrir l’une de l’autre ; l’idéalisme du premier sert à avancer, le pessimisme du second permet d’apprécier le présent.
Mon identité est partiellement forgée de toutes ces philosophies, de tous ces paradoxes. Ma fascination se porte aussi bien sur l’exotique et l’imaginaire que sur les détails discrets du quotidien. Je tente de garder une trace chronologique de beauté et de construire des utopies. L’une des pratiques me permet de rester ancrée, l’autre de m’évader un peu. Je suis toujours en quête d’euphorie spirituelle, mais j’ai besoin de choses organiques pour ne pas me sentir proche d’une certaine forme de folie. A l’instar de la méthode psychanalytique (que je ne prétends pas connaître plus que ça), je clarifie ma pensée grâce à des symboles, des métaphores répondant à ma mémoire. Je me nourris d’images et en crée dans le but de partager mon expérience, avec le moins de pudeur possible, cherchant une dimension sociale dans un travail d’origine intime. Je m’intéresse aux portraits et tente d’en donner un fidèle de moi-même pour me sentir plus légitime et plus confiante par cette acte de don, compensant la culpabilité diffuse que j’ai tendance à ressentir et la peur du jugement. Je m’intéresse au kitsch car il me fait rire et fait mieux ressortir la beauté naturelle. Je m’intéresse aux icônes, aux légendes, aux contes et à la mythologie car ils sont originels, immuables et mystérieux. Je m’intéresse aux femmes parce que j’en suis une. La sublime violence d’une apocalypse me rassure. Il aurait été superflu de tracer des liens entre chaque mot, car ils se répondent tous d’une manière ou d’une autre, sont tous liés. La forme de la galaxie va donc de soi, avec ses constellations dont les liens ne sont qu’imaginaires, ses centres de gravité, ses systèmes stellaires et sa poussière d’étoiles. Et ses vides, accessoirement.
Les références, c’est un peu comme des amis, on ne peut pas prévoir lesquels vont rester dans notre vie. Ainsi, avec un remords vague, j’ai l’impression d’avoir oublié une foule d’entités qui m’étaient un jour importantes.
C’est un travail qui fait de la compote de cerveau, mais c’est marrant de tenter de placer tous les mots de la carte qui suit dans un texte qui ait un peu de sens. Cependant c’est un texte libre d’être interprété, tandis que les descriptions de mots donnent une explication plus précise. A l’instar des vastes galaxies, ce texte est nébuleux, flou et mystérieux, et regorge de mondes imaginaires pas encore exploités, n’est-ce pas magnifique ? La conquête de l’espace de la pensée n’est qu’au stade fœtal de son développement. Vous l’aurez compris, ceci est un work in progress, car tout travail de réflexion est en constante évolution.
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